Meeting du 20 décembre : Réponse de
Moukagni-Iwangou à Guy Bertrand Mapangou
Indexé par le ministre
de l’Intérieur dans une mise au point, le 11 janvier dernier dans le quotidien
L’union, Jean de Dieu Moukagni-Iwangou, président de l’UPG Loyaliste, dont la
thèse selon laquelle le meeting du 20 décembre 2014 n’a jamais été interdit,
n’a pu jouir du droit de réponse qu’il a excipé. Il s’est tourné vers
Gabonreview qui a également relayé la sortie concernée de Guy Bertrand
Mapangou. Ci-après, l’intégralité de sa réplique.
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Jean de Dieu
Moukagni-Iwangou. © D.R.
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Droit de réponse à
Moukagni-Iwangou
Pour donner le change à
notre affirmation selon laquelle, le meeting du 20 décembre 2014 n’a jamais été
interdit, le Ministre de l’intérieur, Monsieur Guy Bertrand Mapangou a publié
une mise au point dans le journal l’Union Magazine du samedi 10 janvier 2015.
Dans un texte qui aurait
gagné à s’inscrire sur le terrain de la pertinence pour retourner une opinion
suffisamment édifiée sur la question, Monsieur le Ministre a affiché le verbe
haut, pour fustiger « Une méconnaissance criarde du Code
Pénal », et tenu un ton péremptoire pour réclamer « la responsabilité
et (la) compétence du Ministre de l’Intérieur » dans la matière relative à
l’organisation des réunions publiques.
Avec cette posture,
Monsieur Mapangou s’est engagé dans une aventure risquée, qui donnera plutôt à
tous ceux qui font leur marché politique sur le terreau fertile de la
déduction, les moyens nécessaires et suffisants d’affirmer que le régime en
place au Gabon est en totale délicatesse avec la loi.
Présenté par Monsieur le
Ministre comme le « conseiller » d’une procédure présumée maladroite,
j’ai décidé d’exercer le présent droit de réponse. Mis à la disposition du
journal l’union, selon ce que les bonnes pratiques démocratiques commandent, le
présent texte est mis à la disposition de tous par tout moyen.
J’ai décidé de le faire
d’abord, pour retracer pas à pas, la procédure prévue par la législation en
vigueur sur le régime des réunions publiques en république gabonaise, de sorte
à offrir à l’opinion, des éléments d’appréciation opposables aux versions à
venir qui ne manqueront pas de lui être servies.
J’ai décidé de le faire
ensuite, pour montrer à Monsieur le Ministre que, s’immisçant dans une mission
relevant du juge, son interprétation de la loi, si avantageuse à son propre
égard, ne peut lui conférer le moindre droit opposable dans une matière
parfaitement réglée par le législateur.
J’ai décidé de le faire
par ailleurs, pour relever avec gravité, toute la confusion qui préside dans le
partage des missions au sein d’un département régalien de l’Etat, celui du
Ministère de l’intérieur.
J’ai décidé de le faire
enfin, pour montrer en fait d’agenda, que celui de Monsieur le Ministre a valu
au Peuple la lourde addition payée le 20 décembre 2014.
La procédure en vigueur
sur les réunions publiques
C’est la loi n°48/60 du
8 juin 1960 qui en est la base juridique.
Au plan historique,
c’est une œuvre qui porte le contreseing de Léon Mba le Premier Ministre, et
d’Edouard Duhaut le Ministre de l’intérieur à cette époque.
Au plan quantitatif,
cette codification comporte quatorze articles, rédigés selon un ordonnancement
débarrassé des chapitres, des sections et des paragraphes, qui sont perçus dans
l’approche légistique dominante aujourd’hui, comme des facteurs qui déroutent
et rebutent les usagers de la loi.
Au plan qualitatif, la
loi 48/60 consacre principalement quatre enseignements, que tout citoyen, en
commençant par les gouvernants, doivent savoir.
Le premier enseignement,
qui fixe l’esprit de la loi, nous instruit à l’article 2, que les réunions
publiques sont libres en République gabonaise.
Le deuxième
enseignement, qui porte sur les conditions d’organisation, invite les organisateurs
à effectuer une Déclaration préalable permettant de renseigner les autorités
compétentes sur leurs identités, sur la date de l’évènement, sur le lieu choisi
et sur l’objet de la manifestation. Cet enseignement est relevé à l’article 5
de la loi.
Le troisième
enseignement, arrêté à l’article 6 de la loi, précise les autorités
destinataires de la Déclaration préalable. Il s’agit des Maires, là où existe
une Mairie.
Le quatrième
enseignement, objet de l’article 9 de la loi, nous informe que les réunions publiques
sont susceptibles d’être interdites par l’autorité compétente, si leur tenue
est de nature à troubler l’ordre public.
A ce propos,
l’interdiction édictée par la loi doit être actée dans une décision motivée.
Cette décision motivée doit immédiatement être notifiée aux organisateurs.
Cette décision motivée doit être transmise au Préfet, qui dispose du pouvoir de
confirmer ou de rapporter ladite interdiction.
Ainsi donc chacun n’aura
aucune peine à comprendre, que toute décision prise par une personne n’ayant
pas qualité à agir est réputée ne pas avoir d’existence en droit. Fort de ce
qui précède, il suit donc, que ni le communiqué de presse publié, ni la lettre
rédigée mais demeurée dans les parapheurs du Ministre de l’intérieur ne peuvent
être opposables à quiconque.
Dès cet instant, je
persiste et je signe. Le meeting du 20 décembre 2014 n’a jamais été interdit.
Le pouvoir
d’interprétation de la loi
Monsieur le Ministre de
l’intérieur affirme sa compétence à se prononcer sur les Déclarations préalables
sur la base d’une interprétation par lui faite de la loi.
Pour notre gouverne à
tous, il n’est pas sans intérêt de rappeler les fondements de la République.
Organisée autour du
principe de la séparation des pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, la
république gabonaise a confié de manière exclusive aux juridictions suprêmes
que sont la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d’état et
la cour des comptes, chacune dans le cadre de ses compétences matérielles, le
pouvoir d’assurer l’unité d’interprétation de la règle de droit, le tout, sans
rien diminuer au mérite d’un ministre.
C’est pourquoi, en
s’immisçant dans le rôle de juge, et en interprétant de manière généreuse la
loi à son propre et seul avantage, Monsieur le Ministre ne peut valablement
s’octroyer des prérogatives sur l’argument tiré de la faiblesse de la loi,
qu’aucun juge dûment saisi n’aura constatée.
La confusion dans un
département régalien
Monsieur le Ministre de
l’intérieur affirme sa compétence à se prononcer sur les Déclarations
préalables, au double motif pris de ce que, d’une part, Libreville est le siège
de l’Etat, d’autre part, qu’il est érigé en plusieurs arrondissements ne
permettant pas de déterminer la commune compétente en cas de marche traversant
plusieurs arrondissements.
En écrivant les lignes
qui vont suivre, je suis traversé par un sentiment de tristesse mêlée de
gravité.
A propos de tristesse,
le bon sens commande de retenir qu’en vertu du principe de la continuité,
Monsieur le Ministre de l’intérieur est le rédacteur de la loi 48/60 du 8 juin
1960 sur les réunions publiques.
Au nom du critère de
l’utilité, Monsieur le Ministre de l’intérieur est le dépositaire de cette loi,
dont il assure la bonne applicabilité en toutes circonstances.
En ayant conservé depuis
54 ans cette loi tel quel, alors qu’il a charge et mission de l’adapter aux
évolutions sociales et sociétales, l’allégation d’une difficulté
d’applicabilité consécutive à l’érection des arrondissements dans la ville de
Libreville, me parait comme un triste et malheureux recours aux expédients.
Cela est d’autant plus irrecevable que Monsieur le Ministre qui n’a jamais
trouvé l’utilité du plus petit toilettage de la loi, ne peut valablement se
prévaloir de sa propre turpitude.
Et lorsque l’on sait que
la presque totalité des communes du Gabon comporte des arrondissements,
l’argument évoqué viendrait simplement à dessaisir l’administration locale,
déconcentrée et décentralisée, d’une prérogative qui leur a été confiée par une
loi qui n’a jamais été abrogée, même partiellement.
A propos de gravité, la
situation tient d’abord à l’incertitude juridique.
Pour s’aménager un droit
d’examen des déclarations préalables, Monsieur le Ministre de l’intérieur a
fait valoir le décret n° 0154 fixant les
attributions de son Département, dont l’article 1er lui
confierait, noir sur blanc, le droit « de recevoir les déclarations afférentes à la tenue
des réunions publiques… ».
En remerciant monsieur
le Ministre de m’en procurer copie, il se trouve que toutes les recherches
engagées par mes soins, y compris avec le concours des services compétents du
journal officiel de la république gabonaise, ne m’ont pas permis de trouver ce
texte réglementaire.
Devant cette incertitude
matérielle, j’ai entrepris de le retracer à partir des visas référencés dans
les actes réglementaires pris par le Ministère de l’intérieur. Peine perdue, ce
texte fondateur n’est visé, y compris par le Ministre lui-même, dans aucun acte
du Département.
En l’état actuel de mes
recherches, je me permets d’affirmer que le décret n°
0154 n’existe nulle part, toutes choses qui
mettent en équation l’affirmation de Monsieur le Ministre.
En l’état actuel de mes
recherches, les seuls textes réglementaires vérifiables et vérifiés, qui
portent attributions et organisation du Ministère de l’intérieur, de la
sécurité publique, de l’immigration et de la décentralisation, sont, le décret
269/PR/MI du 9 mars 1976, abrogé en toutes ses dispositions par le décret
192/PR/MISPID du 22 mai 2012, lui-même partiellement abrogé le 28 février 2013
par le décret 333/PR/MISPID.
Sur cet existant,
notamment le décret 192 du 22 mai 2012 dont les dispositions régissent le
fonctionnement du Ministère de l’intérieur, la gravité de la situation tient
ensuite à l’instabilité juridique, en ce que ce décret autorise bien au
Ministère de l’intérieur « de recevoir les déclarations afférentes à la tenue
des réunions publiques… ».
Dans le commerce
juridique, plusieurs institutions sont concurremment investies du pouvoir de
produire des normes, ce qui rend légion, les situations de conflits des lois
dans le temps et dans l’espace, encore et surtout, lorsqu’aucun cadre de
concertation ne les rapproche.
En rappelant que la loi
48/60 autant que le décret 192 sont tous les deux des textes conçus et élaborés
par le Ministère de l’intérieur, l’on ne comprend que très mal, ce conflit
entretenu entre la loi 48/60, la norme supérieure qui en impose au profit du
Maire, et le décret 192, la norme inférieure qui plie toujours et doit plier
aux détriments de Monsieur le Ministre.
Ecartelé entre le souci
de garantir un minimum de cohérence dans sa production normative, et la volonté
de s’inviter dans un débat que tout destine aux communes, le Ministre doit se
contenter d’un consensus minimum avec lui-même.
En voulant tout ramener
à lui, sans avoir l’habilitation de sa propre loi, le Ministre risque
d’annihiler l’efficacité de la loi.
Pour revenir utilement à
la bonne règle, il faut rappeler qu’en déconcentrant ses services, l’état
rapproche l’administration de l’administré, et de la sorte, garantit la
disponibilité de l’offre des services publics aux demandes de proximité.
A partir de cet instant,
comment comprendre, et quelle logique recherche un tel décret, qui obligerait
les organisateurs établis à Aboumi ou à Ndindi à venir jusqu’à Libreville,
simplement pour déposer leurs déclarations à Monsieur le Ministre, et être
conforme à l’article 2 du décret n°192, alors que leurs mairies respectives
sont seules compétentes à y donner suite aux termes des articles 5, 6 et 9
de la loi n°48/60 ?
Avec une telle
gouvernance, qui planifie la difficulté là où la tendance générale insufflée
dans les grandes démocraties est à la simplification, le Ministère de
l’intérieur n’a pas son pareil pour couper les cheveux en quatre.
Mais le comble du comble
reste à venir !
En instituant par
décret, une obligation de dépôt des déclarations préalables des réunions
publiques au Ministre, dans un contexte légal qui attribue aux Maires le
pouvoir d’y donner suite, le Ministre de l’intérieur créé une véritable hérésie
dans l’application de la loi 20/2005 fixant les règles qui organisent les
services de l’état.
Dans l’ordonnancement
des services publics de l’état, qui distingue les unités de la ligne
hiérarchique au sommet desquelles se trouve l’autorité de tutelle, des unités
de la ligne fonctionnelle qui lui confie toutes les missions directionnelles,
l’article 2 du décret 192 qui confine la tutelle dans le rôle de simple centre
d’enregistrement pour le compte des mairies, dévoile simplement le niveau de
décomposition institutionnelle que nous avons atteint au Gabon.
Avec une telle copie, le
« hors sujet » que nous a infligé Monsieur le Ministre, la saillie
sur la « méconnaissance criarde du Code
Pénal », l’anathème sur l’inutilité du « débat sur
l’acceptation ou l’interdiction de la manifestation de l’opposition par le
Ministre de l’Intérieur, (qui) n’a plus lieu d’être dès lors que l’affaire
(est désormais) pendante devant le tribunal» sonnent comme des rodomontades qui
prêtent à sourire, et renvoient simplement à Simone de Beauvoir dans une
réflexion qui nous enseigne que « la parole ne représente parfois
qu’une manière, plus adroite que le silence, de se taire ».
Le parti pris comme
agenda de travail
Dénonçant l’agenda
supposé du Front, par référence au sien qu’il croit parfaitement protéger, il
est notoirement connu que Monsieur le Ministre s’est assigné pour mission de
protéger son candidat à l’élection présidentielle de 2016.
Caché derrière son petit
doigt, il a ouvert cet agenda lorsque, sans bénéfice de la moindre retenue, il
a appelé à la candidature d’Ali Bongo Ondimba et délié sa bourse pour
participer au règlement de la caution y relative, alors que les obligations de
sa charge lui commandent la plus grande impartialité à l’égard de tous, dans la
matière électorale dans laquelle il est investi de huit missions essentielles.
Affranchi de toute
réserve éthique, protégé de toute interpellation d’un Parlement monocolore,
couvert par le silence du Premier Ministre et encouragé par le Distingué
camarade, Monsieur Mapangou qui navigue en roue libre a édifié tout le monde
sur le fait qu’après une telle sortie, il n’y aura aucun scrupule suffisant
pour l’empêcher de mettre les moyens institutionnels en sa disposition, au
bénéfice de son candidat.
Et lorsque l’on sait que
l’article 2 du décret portant attributions et organisation de son département
sectoriel, lui confère le droit d’annoncer la victoire des candidats aux
élections politiques, la boucle est bouclée d’avance. Et c’est justement au nom
de ce dispositif, déjà en place, que le régime appelle avec hardiesse à
attendre l’échéance électorale de 2016.
Libéré de l’obligation
de réserve dans la position privilégiée qui est la sienne, et obligé par lui-même
à travailler pour le triomphe d’Ali Bongo Ondimba, Monsieur Mapangou s’est
automatiquement saisi du parti pris comme instrument de travail pour protéger,
à défaut de promouvoir, son candidat.
Cet agenda, improbable
dans une République respectueuse de l’équité, et intenable dans une démocratie
soucieuse de faire parler le pluralisme, ont inexorablement conduit à la faute
de trop.
Cette posture de toutes
les dérives, se trouve être malheureusement à la base du scandale du 20
décembre 2014, où les armes de la république ont été sortis contre des citoyens
aux mains nues ayant décidé d’exercer une liberté publique, celle d’aller et
venir.
Et cela, aucun stylo et
aucune encre ne pourront, par la magie des pleins et des déliés, réussir à
effacer dans les esprits et dans les corps, l’œuvre des bâtons et des canons,
sortis ce jour-là, pour frapper et abattre le Peuple, au nom de la défense du
sort d’un candidat. Parce que c’est de cela dont il était question !
Au sortir de notre
analyse, tout le monde aura compris que dans ce jeu d’ombres, Monsieur le
Ministre de l’intérieur qui n’a aucune prérogative dans la procédure
d’organisation des réunions publiques, cherche par les moyens en sa
disposition, à étendre le déni de démocratie, déjà installé dans les média de
service public, pour le bien de son candidat.
Moukagni-Iwangou