Les paras ont pour instructeur un contractuel français, l’Aspirant Henri Deba, champion du monde de parachutisme militaire 1975.
Outre Deba, trois français complètent l’équipage, Le Major Pierre Sudre, commandant de bord, l’ADC Pierre Amat, pilote, et l’ADC Paul Français, mécanicien navigant, tous trois coopérants.
Le 20 février 1978, le groupe de parachutistes doit se rendre à Franceville dans le cadre d’un entrainement aux championnats du monde militaires devant se dérouler l’été suivant. Initialement l’équipe devait embarquer dans un Nord 262 et non dans le Puma.
Compte tenu des conditions météo et de la distance, l’hélicoptère ne doit pas prendre de passagers. Il doit emporter du fret, notamment une caisse de devises correspondant aux salaires des fonctionnaires du Haut-Ogooué. Le transport des salaires des fonctionnaires dans les provinces par l’armée de l’air était une mission courante.
Sur le tarmac de la base, le Major Sudre discute avec le pilote du Nord 262 en attendant le décollage pour Mvengue lorsque l’officier des opérations ordonne le déchargement du Puma au profit du Nord. Le fret est débarqué, à l’exception de la malle remplie d’argent. Ordre est donné d’aller chercher les paras au camp Aïssa, à un saut de puce de la base.
Au camp Aïssa, le Lt Colonel Djoué Dabany a de son côté reçu une injonction qui lui déplait. Son départ pour Franceville est anticipé de quelques heures, pour semble -t’il, remettre des médailles à des militaires sur place. Il refuse d’obtempérer après un premier appel téléphonique. Mais une seconde conversation se termine par un ‘A vos ordres, mes respects’.
L’appel vient de très haut, sans doute la présidence. Le chef d’Etat-major des forces terrestres et navales prend sa douche et enfile sa combinaison. Il glisse un révolver dans sa botte de saut et rejoint ses hommes pour attendre le Puma.
L’appareil décolle du camp Aîssa entre 11h13 et 11h15. A 12h30, un message est capté par un YS11 militaire et par un appareil civil : ‘Le Puma se crashe, panne moteur, dans le 110 de Ndjolé pour 40 nautiques’. Le message est retransmis à la tour de contrôle de Libreville où il est enregistré sur la bande à 12h37 locale. Aucun autre appel ne sera émis.
Vers 14h, une Alouette3 est dépêchée sur les lieux mais se voit contrainte de faire demi-tour à cause d’un orage. Dans un premier temps, des recherches sont entreprises dans la zone indiquée par le pilote du Puma. Puis, pour des raisons inexpliquées, c’est dans la forêt des abeilles, distante de 200km, qu’elles se poursuivent les semaines suivantes.
L’assassinat du poète par des mercenaires français ne semble pas du goût de Jean-Marie Djoué Dabany |
Il faut attendre le 22 février pour que le journal ‘L’Union’ évoque un atterrissage forcé au sud de Booé…Puis le 24 février, le quotidien évoque des recherches au sud d’Ayem. Mais à aucun moment le nom de Jean-Marie Djoué Dabany n’est cité.
La réalité est sans doute toute autre, car outre Ndoutoumet, Djoué Dabany et Oudouga, un autre officier supérieur est victime de cette véritable hémorragie de l’Etat-major des FAG, le médecin colonel Albert LOEMBE, également empoisonné le 7 février 1978. Loembe décédera en avril 1978 à l’hôpital militaire Bégin de Paris.
Les accidents, assassinats ou disparitions de ces officiers supérieurs, en pleine forces de l’âge, dans le même mois, ne sauraient être imputés au hasard.
Le Gabon est un enjeu stratégique pour la France en ces temps de guerre froide et le pays est un verrou au milieu d’états qui se sont rapprochés du bloc soviétique. Guinée Equatoriale, Congo, Angola au Sud sont marxistes et depuis quelques mois, l’archipel de Sao Tomé et Principe s’intéresse au socialisme sous les yeux bienveillants de Luanda.
Dans ses conditions, les aspirations démocratiques des gabonais ne sont pas la préoccupation principale de Paris qui au-delà de son implantation militaire profite largement des ressources naturelles du pays dont la santé économique est par ailleurs au beau fixe. Transgabonais, Air Gabon, Pétrole, minerais et bois précieux sont la fierté, à juste titre, des gabonais. Mais des voix s’élèvent pour que le peuple ait son dû. A l’Université Omar Bongo, les étudiants se mettent en grève fin janvier. Le doyen de l’université, le Pr . AMBOUROUE AVARO, est écarté, accusé de complaisance avec ses étudiants.
Le 2 février, les forces de l’ordre et l’armée investissent l’université et les étudiants sont incorporés d’office. Les moins malchanceux auront droit à une marche du Cap Estérias jusqu’à Libreville, avec un sac de 30kg sur le dos et les brimades des paras. Ceux sous l’uniforme de la police, commandée par Jean Boniface ASSELE gouteront de la chique. Le professeur AMBOUROUE AVARO trouvera la mort dans l’accident d’un avion de l’aéroclub de Libreville en novembre 1978.
Le successeur de Foccart, René Journiac trouvera lui la mort en février 1980 à bord du Grumman G2 présidentiel gabonais (Tr-KHB), piloté par un autre parent du Pdt Bongo, le Col. Layigui!
Quoi qu’il en soit, en février 1978, le Gabon perd trois de ses fils, officiers supérieurs, un commandant de police est entre la vie et la mort et le doyen de l’Université est limogé avant de trouver la mort en novembre aux commandes de son avion de tourisme.
Une panne moteur est très peu probable. L’hélicoptère sortait de révision et un vol de contrôle avait été effectué le matin même.
Un sabotage est également improbable, pour la simple est bonne raison que les contrôles ont été effectués par l’équipage lui-même.
Ces éléments sont consignés dans le rapport de gendarmerie rédigé après enquête.
Le crash du Puma reste hypothétique, par exemple pour des raisons météorologiques. Mais cette option est mise à mal par le soin apporté à organiser des recherches loin du lieu indiqué par le dernier contact.
L’hypothèse d’un détournement du TR-KCF est donc la piste privilégiée par les personnes qui se sont repenchées sur le dossier depuis quelques années.
Détournement à l’initiative du Lt Colonel dans le but de s’échapper après la mort de ses frères d’armes ?
Détournement en vue d’exécuter le chef d’Etat-major et ses compagnons d’infortune ?
A 350 km des côtes gabonaises, à Sao Tomé , il semble que les mouvements d’hélicoptères n’échappent pas au Président Da COSTA…
Hasard ( ?) du calendrier, des accords diplomatiques sont signés le 19 février 1978 entre Sao Tome et Luanda. Le même jour, un porte-hélicoptère américain quitte Libreville où il était en escale de courtoisie depuis quelques jours et se dirige vers Abidjan en coupant à travers les îles de Sao Tomé et Principe. Des hélicoptères de l’US Navy en profitent probablement pour survoler l’archipel et signifier aux alliés de Moscou que l’Oncle Sam veille au grain…Première alerte… L’Inchon s’éloigne mais le 20 février au soir da Costa se plaint à l’ONU que son espace aérien a été violé par un hélicoptère en provenance du Gabon, avec des mercenaires à son bord venus pour le renverser !
Début mars, 1000 soldats angolais sont déployés à Sao Tomé, avec des conseillers cubains et est-allemands et deux radars mobiles soviétiques de détection aérienne. Bongo qualifiera plus tard Sao Tomé de ‘Porte-avions les canons tournés vers Libreville’ . Le torchon brule, les diplomates s’activent.
- 16 mars 1978 visite à Luanda du secrétaire d’état gabonais aux affaires étrangères, pour évoquer ‘quelques différents’. Visite à Libreville envisagée du Pdt Angolais Neto.
- 31 mars, audience présidentielle d’une délégation de Sao Tomé. L’Union « Le diplomate de Sao Tomé a indiqué à sa sortie d’audience que son entretien avec le Président avait porté principalement sur la situation actuelle de son pays à la suite de tentatives d’agression dont ce dernier aurait été l’objet il y’a quelques semaines »
« Sao Tomé et Principe, autopsie d’un complot ». Charge contre Da Costa qui passe pour un parano après que le porte-avions US soit passé entre les deux iles. Accusations de complot depuis Cabinda et Libreville où l’ancien ministre de la santé est réfugié.
- 7, 8 et 10 avril, série d’articles virulents dans l’Union contre Sao Tomé : ‘Autopsie d’un complot’, ‘le syndrome de la baie des cochons’, ‘le rapprochement angolo cubain’.
- 12 avril 1978, L’Union : ‘Coopération Sao Tomé-Libreville, LE SECOND SOUFFLE’ (court article)
- 14 avril 1978, dernier article de l’Union sur Sao Tomé ‘Vivre sa vie’.Compte rendu de la visite de deux journalistes gabonais. Morceau choisi… « Au ‘Benguédox’ unique établissement hôtelier de la capitale, un spectacle pittoresque nous attendait : les deux émissaires présidentiels gabonais (les autorités Santoméennes n’ayant apparemment pas reçu le télex annonciateur) déjeunant entouré d’experts cubains, est allemands, français, portugais, nord-coréens… »
Les relations se normalisent donc aussi brutalement qu’elles se sont dégradées entre les deux pays. En novembre 1979, soit un an et demi après les faits, le premier ministre santoméen Trovaoda est arrêté, accusé du ‘complot’ de 1978. Il sera exilé en France en 1981.
L’événement n’est pas anodin lorsque on prend en considération que Miguel Trovoada était professeur d’espagnol à Libreville avant l’indépendance de Sao Tomé et qu’une fois devenu premier ministre, il séjournait chez l’un de ses amis proches lors de ses visites au Gabon….Le Colonel Djoué Dabany !
Les jours suivants la disparition du Puma, les familles françaises sont laissées à leur propre sort et à la solidarité des coopérants et des militaires gabonais de leur voisinage. Le capitaine qui commande la ‘Section d’Assistance Militaire Air ‘ gère la crise de manière calamiteuse et les autorités consulaires sont à peine plus présentes.
Alphonse Layigui leur précise également que Djoué Dabany ne devait pas monter dans l’hélicoptère et leur laisse clairement entendre « qu’ils (le palais…) avaient des doutes sur lui ».
Une information tombe rapidement, le Puma a été retrouvé au Gabon, vide de ses occupants ! Puis plus rien et les recherches s’arrêtent le temps des fêtes de la rénovation.
Les familles françaises sont dès lors abandonnées à leur propre sort. L’armée française est engagée au Tchad dans l’opération Tacaud, et en mai 1978, la légion étrangère intervient à Kolwezi. La base aérienne est en effervescence car elle sert au transit des troupes et du matériel. Le Puma est ‘oublié’ par Paris et par son ambassade à Libreville.
Tout est parti du discours de Kérékou à la tribune de l'O.U.A., et de la réponse de Bongo.Kérékou a profité de la réunion du sommet de l'O.U.A. pour reposer le problème du soutien du Président Bongo à la tentative de coup d'état contre son pays en janvier 77. Il a aussi aussi, dit-on, fait allusion à des problèmes internes au Gabon, à savoir la disparition du Puma !
Bongo, après avoir démenti les faits, a violemment insisté sur le caractère insultant et menaçant du discours de Kérékou ajoute qu'il ne répondait pas des conséquences qu'il pourrait y avoir sur la communauté béninoise vivant au Gabon. Sous prétexte d’assurer leur sécurité, les béninois sont parqués, notamment dans le Lycée de l’estuaire près de l’aéroport. De nombreux troubles éclatent, la route de l’aéroport est fermée à de nombreuses reprises.
Le retour en France est purement cauchemardesque pour les familles de l’équipage.
Seule certitude, le Puma TR-KCF ne s’est pas écrasé dans les environs de Ndjolé. Plusieurs sources et témoignages confirment que l’hélicoptère a été retrouvé, entier, vide de ses occupants.
Gabon, Sao Tomé, Congo, Angola , Guinée Equatoriale? Aucune preuve matérielle n’indique la destination finale de l’appareil.
Quant à ses occupants, les rumeurs les plus folles ont couru sur leur sort… Fuite crapuleuse de l’équipage après l’assassinat du colonel, assassinat de l’équipage par le colonel pour les mêmes raisons… Rétention dans un village pygmée avant exécution, etc.
Paul Français aurait été vu dans un stade lors de la coupe du monde de football 1978 en Argentine. Peu probable quand on connait la rigueur de ce père de famille réputé intègre.
Un pilote d’hélicoptère en escale à Cayenne en 1985, qui n’était pas au courant de la disparition, a assuré avoir croisé Pierre SUDRE, qu’il avait perdu de vue depuis des années, quelques jours auparavant au Brésil. Invérifiable, le fameux témoin ayant lui-même péri dans un accident d’hélicoptère la semaine suivante !
En 1967/68, le jeune officier gabonais était en stage à l’école des troupes aéroportées (ETAP)à Pau, avec d’autres stagiaires africains. A la même époque, Pierre Amat faisait son stage Puma, à Pau également. Il semble que les militaires y aient sympathisé.
Pierre Sudre était également à Pau les mêmes années, mais rien n’indique qu’il y ait rencontré les deux autres.
Quelques années après la disparition, un officier malien, camarade de promotion du colonel à Pau, tombe nez à nez avec pierre Amat, et l’interpelle. L’individu prétend blêmit et passe son chemin.
L’officier malien, obsédé par cette rencontre, profite d’une escale à Libreville pour rater volontairement son avion afin d’en référer à l’épouse du colonel.
En résumé, la position de la France depuis 1978 est qu’il n’y a pas de dossier, et que d’ailleurs ce dossier qui n’existe pas est vide et que comme il n’existe pas et qu’il est vide, il est classé secret défense…
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