SA 330 Puma TR-KCF (1329) des forces aériennes gabonaises. Officiellement porté disparu le 20 février 1978. A bord 3 coopérants français, 6 parachutistes gabonais dont le lt colonel Djoue Dabany et un contractuel français. Tous ont été victimes d'un assassinat politique de Bongo et de la guerre des droites en France (Chirac vs Giscard). Affaire à suivre.
Photo prise à Mouila en 1976
Quarantième anniversaire de la disparition du Lt.Colonel Djoué Dabany, le temps des vérités.
Lorsque l’hélicoptère Puma du Colonel Djoué-Dabany disparait le 20 février 1978, c’est non seulement un drame humain et aéronautique, mais aussi sans doute, la fin des illusions.
A bord de l’appareil se trouvent les six membres de l’équipe sportive militaire parachutiste gabonaise, dont le Lt.Colonel Jean-Marie Djoué Dabany, beau-frère du Président Bongo, le SLT Christophe OBEYE, neveu du Président, le capitaine Angoizambie et les sous-officiers Ntoungou Ngui, Somand et Moukala ;
Les paras ont pour instructeur un contractuel français, l’Aspirant Henri Deba, champion du monde de parachutisme militaire 1975.
Outre Henri Deba, trois français forment l’équipage, Le Major Pierre Sudre, commandant de bord, l’Adjudant-Chef Pierre Amat, pilote, et l’Adjudant-Chef Paul Français, mécanicien navigant, tous trois coopérants.
Le 20 février 1978, le groupe de parachutistes doit se rendre à Franceville dans le cadre d’un entrainement aux championnats du monde militaires devant se dérouler l’été suivant. L’équipe doit embarquer dans un avion militaire gabonais, et non dans le Puma.
Compte tenu des conditions météo et de la distance, l’hélicoptère ne doit pas prendre de passagers. Il doit emporter du fret, notamment une caisse de devises correspondant aux salaires des fonctionnaires du Haut-Ogooué.
Sur le tarmac l’équipage reçoit au dernier moment l’instruction de décharger le Puma de son fret, à l’exception de l’argent destiné aux fonctionnaires. Ordre est donné d’aller chercher les paras au camp Aïssat, à quelques dizaines de mètres de la base.
Au camp Aïssat, le Lt Colonel Djoué Dabany a de son côté reçu une injonction qui lui déplait. Son départ pour Franceville est anticipé de quelques heures, pour semble-t’il, remettre des médailles à des militaires sur place. Il refuse d’obtempérer dans un premier temps mais un appel de la Présidence de la République l’oblige à obéir.
Le chef d’Etat-major des forces terrestres et navales prend sa douche et enfile sa combinaison. Il glisse un révolver dans sa botte de saut et rejoint ses hommes pour embarquer dans le Puma.
L’appareil décolle du camp Aîssat entre 11h13 et 11h15. A 12h30, un message est capté par deux avions, un militaire et un civil : ‘Le Puma se crashe, panne moteur, dans le 110 de Ndjolé pour 40 nautiques’. Le message est retransmis à la tour de contrôle de Libreville où il est enregistré sur la bande à 12h37 locale. Aucun autre appel ne sera émis.
Vers 14h, un autre hélicoptère gabonais est dépêché sur les lieux mais se voit contraint de faire demi-tour à cause d’un orage. Dans un premier temps, des recherches sont entreprises dans la zone indiquée par le pilote du Puma. Puis, pour des raisons inexpliquées, c’est dans la forêt des abeilles, distante de 200km, qu’elles se poursuivent les semaines suivantes.
Les recherches s’arrêtent brutalement à l’approche des fêtes de la rénovation du 12 mars. Officiellement, la thèse de la panne moteur et de l’accident sont privilégiées, tant par Libreville que par Paris. Pourtant près de 3000 militaires gabonais et français sont déployés sur un secteur loin de la zone de crash supposée, et des moyens aériens militaires importants sont envoyés par la France, le Maroc et les Etats-Unis. Il faut attendre plusieurs semaines avant que la région au sud de Ndjolé soit fouillée, en vain. Nulle trace de débris ou d’incendie. Aucune trace de l’équipage. Certes, il est quasiment impossible de survivre à un crash en forêt équatoriale. Mais trop d’inexactitudes et le silence des médias gabonais dans un premier temps font enfler les rumeurs.
Ce n’est que le 22 février que le journal ‘L’Union’ évoque un atterrissage forcé au sud de Booé…Puis le 24 février, le quotidien évoque des recherches au sud d’Ayem. Mais à aucun moment le nom de Jean-Marie Djoué Dabany n’est cité.
Le 8 mars 1978 le Pdt Bongo déclare (l’Union) « la disparition de l’hélicoptère ne doit pas perturber les fêtes de la rénovation ». L’Union : Le président Bongo s’est-il élevé contre les mauvaises langues
qui établissent un rapport entre la disparition du Lt-Col Ndoutoume et celle de de l’hélicoptère militaire, considérant la seconde comme une conséquence de la première… Le nom de Djoué Dabany n’est toujours pas évoqué, on parle du Commandant AISSAT, disparu quelques mois avant! Bongo évoque aussi l’accident du Commandant de Police Pépé ODOUGA, victime d’un grave accident de voiture sur la route d’Owendo. ODOUGA avait été laissé pour mort et c’est l’intervention du Col. DJOUE DABANY qui lui sauva la vie.
Pour comprendre les allégations de Bongo, il faut savoir que le Lt Col. Fabien Ndoutoume, adjoint du Lt Col. Djoué Dabany, est décédé, empoisonné, le 12 février 1978. La rumeur désigne Djoué Dabany comme ‘assassin’ de son adjoint sur fond de rivalités tribales.
La réalité est sans doute toute autre, car outre Ndoutoume, Djoué Dabany et Oudouga, un autre officier supérieur est victime de cette véritable hémorragie de l’Etat-major des FAG, le médecin colonel Albert LOEMBE, également empoisonné le 7 février 1978. Loembe décédera en avril 1978 à l’hôpital militaire Bégin de Paris.
Les accidents, assassinats ou disparitions de ces officiers supérieurs, en pleine forces de l’âge, dans le même mois, ne sauraient être imputés au hasard.
En février 1978, la situation est tendue, tant à l’intérieur du pays qu’à ses frontières.
Le Gabon est un enjeu stratégique pour la France en ces temps de guerre froide et le pays est un verrou au milieu d’états qui se sont rapprochés du bloc soviétique. Guinée Equatoriale, Congo, Angola au Sud sont marxistes et depuis quelques mois, l’archipel de Sao Tomé et Principe s’intéresse au socialisme sous les yeux bienveillants de Luanda.
Dans ses conditions, les aspirations démocratiques des gabonais ne sont pas la préoccupation principale de Paris qui au-delà de son implantation militaire profite largement des ressources naturelles du pays dont la santé économique est par ailleurs au beau fixe. Transgabonais, Air Gabon, Pétrole, minerais et bois précieux sont la fierté, à juste titre, des gabonais. Mais des voix s’élèvent pour que le peuple ait son dû. A l’Université Omar Bongo, les étudiants se mettent en grève fin janvier. Le doyen de l’université, le Pr . AMBOUROUE AVARO, est écarté, accusé de complaisance avec ses étudiants.
Le 2 février, les forces de l’ordre et l’armée investissent l’université et les étudiants sont incorporés d’office. Les moins malchanceux auront droit à une marche du Cap Estérias jusqu’à Libreville, avec un sac de 30kg sur le dos et les brimades des paras. Ceux sous l’uniforme de la police, commandée par Jean Boniface ASSELE gouteront de la chique. Le professeur AMBOUROUE AVARO trouvera la mort dans l’accident d’un avion de l’aéroclub de Libreville en novembre 1978.
Jean Boniface ASSELE, l’ainé des Dabany a d’ailleurs été nommé au poste de général en chef de la police ainsi qu’à celui de ministre de la jeunesse et des sports le jour de l’assassinat de NDOUA DEPENAUD en juillet 1977. L’assassinat du poète par des mercenaires français ne semble pas du goût de Jean-Marie Djoué Dabany. D’autre part les relations personnelles entre le chef d’Etat-Major et le Président se sont passablement dégradées et Bongo craint Dabany. Assele voit passer un rapport accusant son propre cadet de fomenter un coup d’Etat.
L’hypothèse d’une tentative de coup d’état déjouée par les services gabonais n’a rien de saugrenu. Plus tordu mais plausible, un conflit d’intérêts entre les anciens hommes de Jacques Foccart, écarté par Giscard D’Estaing et le Président Français, est également plausible. Le successeur de Foccart, René Journiac trouvera lui la mort en février 1980 à bord du Grumman G2 présidentiel gabonais piloté par un autre parent du Pdt Bongo, le Col. Layigui.
Quoi qu’il en soit, en février 1978, le Gabon perd trois de ses fils, officiers supérieurs, un commandant de police est entre la vie et la mort et le doyen de l’Université est limogé avant de trouver la mort en novembre aux commandes de son avion de tourisme.
Mais qu’est-il arrivé au Puma et à son équipage ?
Une panne moteur est très peu probable. L’hélicoptère sortait de révision et un vol de contrôle avait été effectué le matin même.
Un sabotage est également improbable, pour la simple est bonne raison que les contrôles ont été effectués par l’équipage lui-même.
Ces éléments sont consignés dans le rapport de gendarmerie rédigé après enquête.
Le crash du Puma reste hypothétique, par exemple pour des raisons météorologiques. Mais cette option est mise à mal par le soin apporté à organiser des recherches loin du lieu indiqué par le dernier contact.
L’hypothèse d’un détournement de l’hélicoptère est donc la piste privilégiée par les personnes qui se sont repenchées sur le dossier depuis quelques années.
Détournement à l’initiative du Lt Colonel dans le but de s’échapper après la mort de ses frères d’armes ?
En 1981 un étudiant gabonais en histoire publie une thèse de doctorat sur les relations troubles entre la France et le Gabon depuis l’indépendance, sur fonds de barbouzeries et d’assassinats. Il y évoque la disparition de Djoué Dabany et la présence possible de l’épave du Puma à Sao Tomé ; La thèse fait également le lien entre la disparition du Puma et le crash du Grumman Présidentiel avec le Col.Layigui et René Journiac, ‘Monsieur Afrique’ de Giscard. Interrogé récemment, le doctorant indique que la présence du Puma à Sao Tomé lui avait été donnée par son directeur de Thèse, le Professeur Pédrocini. Pédrocini, réputé proche du ministère de la défense français….
En 1981 toujours, un ancien coopérant français a confirmation que l’hélicoptère est dans un hangar de la SNIAS à Marignane, près de Marseille.
Les jours suivants la disparition du Puma, les familles françaises sont laissées à leur propre sort et à la solidarité des coopérants et des militaires gabonais de leur voisinage. Le capitaine qui commande la ‘Section d’Assistance Militaire Air ‘ gère la crise de manière calamiteuse et les autorités consulaires sont à peine plus présentes.
Le Lt-Colonel Layigui, alors chef d’Etat-Major de l’armée de l’air, reçoit Mesdames Français, Sudre et Amat assez rapidement. Il remet à chacune une somme d’argent, de la part du Président. Puis il les met en garde en évoquant le contenu d’une conversation téléphonique de Madame Français avec ses parents. Les épouses sont donc sur écoute.
Alphonse Layigui leur précise également que Djoué Dabany ne devait pas monter dans l’hélicoptère et leur laisse clairement entendre « qu’ils (le palais…) avaient des doutes sur lui ».
Une information tombe rapidement, le Puma a été retrouvé au Gabon, vide de ses occupants ! Puis plus rien et les recherches s’arrêtent le temps des fêtes de la rénovation.
Les familles françaises sont dès lors abandonnées à leur propre sort. L’armée française est engagée au Tchad dans l’opération Tacaud, et en mai 1978, la légion étrangère intervient à Kolwezi. La base aérienne est en effervescence car elle sert au transit des troupes et du matériel. Le Puma est ‘oublié’ par Paris et par son ambassade à Libreville.
Mesdames Français, Sudre et Amat seront rapatriées en France avec leurs enfants en juillet 1978, en pleine crise entre le Bénin et le Gabon.
Tout est parti du discours de Kérékou à la tribune de l'O.U.A., et de la réponse de Bongo.Kérékou a profité de la réunion du sommet de l'O.U.A. pour reposer le problème du soutien du Président Bongo à la tentative de coup d'état contre son pays en janvier 77. Il a aussi aussi, dit-on, fait allusion à des problèmes internes au Gabon, à savoir la disparition du Puma !
Le retour en France est purement cauchemardesque pour les familles de l’équipage.
Mesdames Français et Sudre n’ont jamais cru à la disparition de leurs époux comme consécutive à une avarie matérielle du Puma. De retour en France, elles continuent les investigations et interpellent les autorités militaires et civiles françaises du pays, ainsi que la presse nationale. Les journaux et magazines s’emparent de l’affaire, relayant plus ou moins rumeurs, hypothèses et versions officielles.
En janvier 1979, le Président Giscard D’Estaing se rend à Libreville. Madame Sudre lui fait adresser un message pour qu’il intercède auprès du Président Bongo afin que la vérité soit faite. René Journiac, le conseiller Afrique de Giscard, répond que Giscard a bien pris en compte la demande. C’est une fois de plus un mensonge, Giscard était déjà à Libreville lorsque la demande est parvenue à L’Elysée.
Les deux femmes se battent dans le même temps contre le ministère de la défense français qui tient absolument à faire déclarer leurs époux morts par un jugement au Tribunal de Grande Instance. Après un premier échec en juillet 1979, l’Etat français obtient ce jugement en décembre 1979.
Les deux courageuses épouses découvrent qu’elles sont suivies et usent de tous les stratagèmes pour échapper aux écoutes téléphoniques. Rien n’y fait, pas même un chèque envoyé par Bongo à chacune. Elles persistent.
Leur enquête continue jusqu’en 1982, date à laquelle madame Sudre décède, anéantie par le désespoir. Madame Français se bat quelques temps encore mais un autre drame familial met un terme à ses recherches.
Il faut attendre 2013 pour que l’enquête reprenne de manière indépendante. Trois des familles françaises sont contactées ainsi que des proches du Colonel DJOUE-DABANY.Cette enquête mène à une certitude : le Puma TR-KCF ne s’est pas écrasé dans les environs de Ndjolé. Plusieurs sources et témoignages confirment que l’hélicoptère a été retrouvé, entier, vide de ses occupants.
Gabon, Sao Tomé, Congo, Angola , Guinée Equatoriale? Aucune preuve matérielle n’indique la destination finale de l’appareil.
Quant à ses occupants, les rumeurs les plus folles ont couru sur leur sort… Fuite crapuleuse de l’équipage après l’assassinat du colonel, assassinat de l’équipage par le colonel pour les mêmes raisons… Rétention dans un village pygmée avant exécution, etc.
L’examen des organigrammes des forces de sécurité (armées, police) en 1978 est un élément essentiel de l’enquête menée sur la disparition du colonel Djoué Dabany.
Une poignée d’officiers supérieurs de la génération du parachutiste a été victime de morts violentes. En 1978, Loembe, Ndoutoume … le colonel Layigui en 1980.
D’autres ont eu une carrière prestigieuse et parfois accédé aux plus hautes fonctions militaires et civiles, Ba Oumar (chef d’Etat-Major de nombreuses années, ministre.), Oyabi (patron du B2) , Ngari, remplaçant de Djoué puis chef d’état-major avant d’entamer une carrière politique toujours active (ministères, assemblée nationale).
Le commandant Oyini, adjoint de Dabany au bataillon para a terminé général de la garde républicaine où il s’acquittait « des tâches difficiles » que lui confiait le patron (OBO).
Oyini avait fait un temps partie de l’équipe de chuteurs constituée par le colonel Djoué Dabany avant d’en être évincé à cause de son appréhension de la chute libre et surtout de ses intrigues sur fond de jalousie carriériste.
Quant aux généraux Ntoulekima et Ossialy, respectivement patrons de la gendarmerie et de la police nationale, ils connaitront tous deux une fin tragique dans les années 1990.
Le général Ossialy est mort à Cotonou en 1993, officiellement dans un accident de voiture alors qu’il était en déplacement au Bénin avec Oyini et Ngari…
En ce quarantième anniversaire de la disparition, quelques langues finissent par se délier, livrant la cruelle vérité.
Le Colonel Djoué-Dabany fomentait bien un coup d’état contre Omar Bongo avec une poignée d’officiers gabonais.
Il y a bien eu trahison et le projet a été dénoncé par l’entourage très proche du parachutiste.
Au camp AÏSSAT, une bagarre aurait été déclenchée dans l’hélicoptère. Bagarre au cours de laquelle plusieurs militaires auraient été tués. Jean-Marie Djoué-Dabany aurait été capturé et gardé au secret après détournement de l’appareil. Ce n’est qu’en 1990, au moment des émeutes de Port-Gentil que son exécution aurait été ordonnée.
Le sort des autres militaires est encore incertain, l’enquête continue….
Un député français s’est vu opposé le secret défense en 2011 lorsqu’il a demandé la déclassification des documents.
En résumé, la position de la France depuis 1978 est qu’il n’y a pas de dossier, et que d’ailleurs ce dossier qui n’existe pas est vide et que comme il n’existe pas et qu’il est vide, il est classé secret défense…