Jean de Dieu Moukagni Iwangou : « Ping ne fait plus partie de notre
coalition. Je lui souhaite bon vent ! »
Publié le 17
février 2016 à 16h05 http://www.jeuneafrique.com/mag/299966/politique/jean-de-dieu-moukagni-iwangou-ping-ne-plus-partie-de-coalition-lui-souhaite-vent/
Par Claire Rainfroy
Jean
de Dieu Moukagni Iwangou © DR
En
septembre, Jean de Dieu Moukagni Iwangou a fait les gros titres de la presse
après un revirement dont seule la politique gabonaise a le secret.
Nommé
ministre au sein du dernier gouvernement de Daniel Ona Ondo, le leader de
l’Union du peuple gabonais (UPG) a finalement rejeté l’offre. Il lui a préféré
son statut de membre signataire du Front uni de
l’opposition pour l’alternance (Fuopa, qu’il a présidé d’avril à octobre 2015),
regroupant 27 partis d’opposition et censé désigner un candidat unique à la
présidentielle. Mais à quelques mois du scrutin, rien n’est moins sûr. Minée
par la guerre des chefs, la plateforme se déchire autour de la candidature de
Jean Ping et menace d’imploser. Jean de Dieu Moukagni Iwangou s’est lui-même
prononcé contre la candidature de l’ancien président de la commission de
l’Union africaine, qu’il qualifie d’« irrégulière ».
Jeune
Afrique : Quelle est votre perception du Gabon à quelques mois de la
présidentielle ?
Jean
de Dieu Moukagni Iwangou : Le pays est
plongé dans une situation de crise qui affecte les fondements de l’État de
droit. Outre les problèmes de corruption, les libertés publiques sont
confisquées. L’opposition n’a pas le droit de tenir des réunions publiques.
L’autorisation de manifester ne nous est même jamais accordée. Nous ne pouvons
pas parler aux Gabonais !
Quel
bilan faites-vous du mandat d’Ali Bongo
Ondimba ?
C’est
un échec. Pour le comprendre, il suffit d’observer l’état d’avancement des
projets censés incarner l’émergence. Sur le bord de mer de Libreville, le grand
chantier du « Champ-Triomphal » est resté un gros tas de sable.
Jean Ping a
déclaré avoir été investi par le Fuopa le 15 janvier, ce que vous et
plusieurs cadres de la plateforme contestez. Le Front n’a jamais été aussi
proche de l’implosion…
Il
ne s’agit pas d’une implosion. Jean Ping s’exclut de lui-même du Front, puisque
sa déclaration de candidature est irrégulière et totalement contraire aux
dispositions de la plateforme. Je considère que nous suivons deux lignes
différentes et que ce n’est plus tenable. Nous ne voulons pas d’un candidat du
fait accompli et, à mon sens, Jean Ping ne fait plus partie du Front. Il faut
savoir séparer le bon grain de l’ivraie. Je lui souhaite bon vent !
Il y aura bel et
bien une primaire et celle-ci sera ouverte aux citoyens
Vous
appelez à une primaire au sein du Fuopa. Sous quelle forme ?
Il
y aura bel et bien une primaire et celle-ci sera ouverte aux citoyens. Les
partis auront le temps de se réunir, au cours du mois de février, pour décider
s’ils présenteront ou non un candidat. Ensuite, le Front se réunira à la fin du
mois de mars lors d’une convention, qui devrait aboutir à une candidature
unique.
Il
semble pourtant peu probable que le Fuopa ne présente qu’un seul candidat,
comme il l’avait promis. Y croyez-vous encore ?
Il
peut y avoir des candidats dissidents, forcément minoritaires et isolés.
J’espère tout de même que nous parviendrons à nous rassembler autour de la
bonne candidature.
La
vôtre ?
Il
est encore trop tôt pour que je me prononce. Mon parti va se pencher sur la
question. Mais, oui, ma candidature aux primaires est de plus en plus probable.
Lors
de la formation du dernier gouvernement de Daniel Ona Ondo, en septembre 2015,
votre nom figurait sur la liste des ministres. Avant que vous ne refusiez le
poste sous la pression de votre parti, selon le gouvernement. Quelle est votre
version des faits ?
La
veille de la publication de la liste des ministres, le président a envoyé deux
de ses collaborateurs pour m’informer que je figurais dans le nouveau
gouvernement. J’ai répondu négativement. J’ai été convié à réitérer mon refus.
Ce que j’ai fait face à Ali Bongo Ondimba : je lui ai dit « non », face à face.
Son cabinet a essayé une dernière fois de me convaincre et m’a demandé de
confirmer ma réponse. Je ne l’ai jamais fait, et ils ont choisi de publier la
liste des ministres en l’état. J’ai donc ensuite répété mon refus lors d’une
conférence de presse.
La médiatisation
de mon refus a suscité une forte réaction, montrant qu’une troisième voie est
possible
Sans
pressions politiques de la part de votre parti ?
Il
n’y a eu aucune pression. Il faut tout de même rappeler que j’avais refusé les
sollicitations de Bongo père avant celles de son fils. Cependant, cette affaire
a vraiment fait beaucoup de bruit et a soulevé un débat national. Jusque-là, il
ne semblait y avoir que les candidatures d’Ali Bongo -et de Jean Ping, qui
souhaitent tous deux s’affronter. D’un côté, Ali Bongo entend opposer à Jean
Ping qu’il était membre des gouvernements de son père et qu’il est de ce fait
comptable du passé. De l’autre, Jean Ping veut montrer au chef de l’État que le
Gabon est une République et non une monarchie. Mais la médiatisation de mon
refus a suscité une forte réaction, montrant qu’une troisième voie est
possible…
Que
vous espérez incarner lors de la présidentielle de 2016 ?
Pourquoi
pas ? C’est possible.