Perspectives

mercredi 27 mai 2015

Hommage à Joseph Redjambé Issani 1939-1990

Hommage rendu le
Joseph Rendjambé Issani a été assassiné dans la nuit du 22 au 23 mai 1990, au sortir de la Conférence nationale tenue le mois précédent, et au cours de laquelle il joua un rôle capital. Un hommage, organisé par sa veuve, Marie-Clotilde Rendjambé, par une messe de requiem a été dite, le week-end écoulé, à la paroisse Sainte-Pierre-Du-Gras-Caillou dans le 7e arrondissement de Paris (France). Ses enfants et ses proches, la communauté gabonaise de France ont marqué de leur empreinte ce moment de commémoration et de recueillement. Moments de pensée et de souvenir entre les membres de la famille du regretté et des Gabonais, toutes générations confondues.

Mais qui a donc assassiné Joseph Redjambé?
L’assassinat en 1990 du Chef charismatique du Front Uni des Associations Politiques de l’Opposition (FUAPO), avait, en pleine tension sociale failli faire tomber le régime de Bongo. Celui-ci pour la deuxième fois en quelques mois a été sauvé in extremis par l’armée coloniale française. Joseph Rédjambé a payé chèrement sa clairvoyance et son opposition à une opposition factice et une démocratie de façade comme le voulait Bongo et les opposants à sa solde.
 
Son assassinat est programmé depuis le début de la conférence nationale. Ses prises de position contre le système inquiète le régime. D’ailleurs la conférence nationale piétine, le pouvoir ne veut pas céder sur le caractère souverain et obligatoire des actes de la conférence nationale. Il veut plutôt que ceux-ci n’aient qu’un caractère symboliquement indicatif. D’ailleurs depuis le début de celle-ci, le camp de Bongo campe sur ses positions : il veut imposer à la majorité des partis et associations présentent un caractère purement consultatif de la conférence nationale. Mais l’opposition véritable conduite par Rédjambé tient dur.
Joseph Redjambé Issani assassiné à 51 ans
par le clan Bongo-Ondimba
Cette position porte d’ailleurs quelques fruits et le camp adverse commence à se fissurer. Mba Abessolo, opposant fabriqué par la France et Bongo quitte le RSDG, beaucoup des membres du PDG, parti de Bongo commencent à faire défection, c’est le début de la panique. Ali Bongo, fils et successeur désigné du dictateur est commis par le dernier cercle du pouvoir afin de trouver un arrangement et pour amener l’intellectuel progressiste à des meilleurs sentiments à l’égard du clan. Rien à faire, d’ailleurs ce dernier réagi très violemment à cette tentative. Allant pratiquement jusqu’à invectiver «l’émissaire» qu’il aurait traité (déjà) de biafrais et même de le gifler quand celui-ci l’a passé une tape amicale à l’épaule.
Par ce dernier acte , il ne sait pas qu’il vient de signer son arrêt de mort. Le reste est une machination diabolique réglée avec une minutie parfaite. C’est l’histoire d’un témoin aujourd’hui assassiné ? (Alain Dickson), une victime Joseph Rédjambé Issani assassiné, un appât Mme Kanon alias Mme DN, ex-amante de la victime et nommée Ambassadeur en France et trois tueurs professionnels d’origine asiatique, d’un lieu du crime, l’hôtel Dowé de Libreville.
 
 
Le corps de Joseph tel que trouvé après son assassinat
Vu la tournure que pourrait prendre les évènements après l’assassinat, les commanditaires veulent que ce meurtre soit fait en douce pour que l’on prétexte que la personne est morte de mort naturelle, ou par courte maladie. D’ailleurs Joseph est diabétique et cela entraverait davantage la piste d’une mort naturelle (c’est sur cette piste que Bongo Omar et ses complices se sont appuyés d’ailleurs pour justifié sa mort). Le topo est simple, DN doit faire venir Redjambé dans une chambre de l’hôtel Dowé, elle tentera d’abord de le convaincre, en cas d’échec le plan B sera mis en route. C’est à dire elle fera l’amour avec lui au besoin et le fera boire jusqu’à épuisement, lorsqu’il s’endormira, on l’injectera, sans qu’il s’en rende compte une dose moyenne qui le tuera chez lui quelques jours plus tard. Le jour final survint, le poison, en injection, étant déjà prêt, les commanditaires demandent à dame DN d’inviter Joseph à l’hôtel. Mais ce plan bien huilé connaît quelques couacs. Le premier c’est le témoin inattendu Alain Dickson qui se trouve à la réception de l’hôtel lorsque DN arrive. Il connaît très bien DN qui se fait passer pour Mme Kanon, un peu étonné sans être très surpris dans ce genre de situation, les fameuses grandes dames du Gabon ont d’ailleurs l’habitude de louer des chambres sous des faux noms quand elles ont un rendez-vous galant avec un homme autre que leur mari. Son étonnement ne grandit pas davantage quand il voit arriver Joseph Rédjambé qu’il connaît également. Après un court conciliabule, DN et joseph se dirigent vers les ascenseurs et montent dans leur chambre. Il est 20h00. Environ trente minutes après trois sujets asiatiques, on aurait dit des japonais aux dires d’Alain Dikson montent eux aussi. De toute façon il n’y a aucune raison de faire attention à eux. C’est un hôtel trés fréquenté par les étrangers. Une heure plus tard DN descend seule précipitamment et sans demander son reste, va au parking démarre sa voiture et s’en va. Quelles que minutes plus tard c’est au tour des «japonais» de descendre. En ce moment on commence à s’inquiéter de l’absence de Rédjambé qui selon ses habitudes ne vient jamais en retard à une réunion du FUAPO ou du PGP son parti, à fortiori la manquer.
 
Il y a quelque chose de bizarre, surtout en cette période d’insécurité organisée par Bongo. Pourtant, cet homme, dans sa diabolique duplicité, avait signé un décret présidentiel garantissant la sécurité et l’absence de toute tentative d’assassinat ou de poursuite pour des motifs politiques de tous les membres de la conférence nationale. Mais des conférenciers et des journalistes qui couvraient l’événement ont été agressés, d’autres violés et humiliés par l’armée prétorienne d' Omar Bongo.
 
Quand Alain Dickson se pointe au siège du parti, il trouve le sujet en discussion : Rédjambé est injoignable et personne ne sait ou il se trouve. C’est ainsi qu’il relate la scène du début de la soirée. Quand une délégation se rend sur place, elle ne peut que constater le décès de leur leader. Il fait nuit, la nouvelle de la mort de l’enfant terrible de Port-gentil ne s’est pas encore répandu, elle le sera dès l’aurore. Port-gentil et Libreville s’embrasent si ce n’est pas l’insurrection, on s’y approche. Tous les symboles du pouvoir de Bongo sont détruit. Le palais de Bongo à Port-gentil est incendié. Le siège de son parti, la résidence de son gouverneur ainsi que la maison du délégué fédéral de son parti, de même tous les symboles de la puissance économique ou politique du dictateur (sa chaîne de magasin Gaboprix est dévalisée et incendiée) subissent le même sort à Port-gentil.
Au plus fort de la crise le consul de France à Port-gentil est enlevé, on craint le pire. Mais une médiation de Maître Agondjo permet sa libération. L’armée française est envoyée sur place pour «pacifier» la ville. Casimir Oyé mba, qui est alors premier Ministre, dira plus tard qu’il n’était pas au courant de l’envoi des troupes françaises à Port-gentil. Cette armée d'occupation assassinera plusieurs manifestants, comme en Côte d'Ivoire en 2011, pour faire revenir le calme à Port-gentil.

A Libreville, c’est l’insurrection, Le siège du Parti de Bongo est incendié à Akébé-Ville, ainsi que l’école des cadres du parti (CUSPOD) qui le jouxte. Les biens de Bongo et de sa famille sont incendiés un peu partout à Libreville, les arrestations, les couvres-feu, l’Etat de mise en garde décrété par Bongo et les tirs sur la populations ne changent rien. Les manifestants ont une mobilité et une tactique de guérilla urbaine qui n’a rien à envier aux troupes bien entraînées. Maître Pierre Louis Agondjo Okawé, qui est le frère de la victime lance un appel au calme.
 
Le calme revient progressivement. Mais les port-gentillais n'ont pas oublié. C'est un ainsi qu'au cours d'une visite du dictateur Omar Bongo, à Port-Gentil à la place Redjambé, une barre de fer lui sera lancée on ne sait trop par qui. Celle-ci le ratera de justesse grace à l'intervention de sa femme Edith Lucie Bongo Sassou.
 
Toutefois, l'enquête ouverte par les tenants du régime, vingt-cinq ans après, n'a pas toujours livré ses conclusions.
C'est le régime que nous impose la France, tous partis politiques confondus, un régime criminel qui assassine les meilleurs de ses enfants.
 
Jean ndouanis

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