Perspectives

vendredi 2 janvier 2015

Message du Front de l'opposition à la Nation

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Gabonaises, Gabonais, mes chers compatriotes

2014 s’achève. En m’adressant à vous en ce jour, je voudrais d’abord vous souhaiter tous mes vœux les meilleurs pour  l’année 2015. Je la souhaite féconde pour vos familles et pour les personnes qui vous sont chères. Au plan national, je forme le vœu qu’elle aboutisse à la réalisation de nos objectifs à tous. A ce propos, j’engage tous les Gabonais à œuvrer pour la réalisation de l’alternance et pour le départ d’Ali Bongo Ondimba du pouvoir.
Je voudrais ensuite rappeler qu’en constituant le Front le 19 juillet dernier, nous avons fait le constat de la gravité de la situation politique, économique et sociale de notre pays. Les mois qui se sont écoulés l’ont empirée à tel point qu’elle est désormais bloquée.
La situation est bloquée parce qu’un jeune étudiant a été assassiné par un pouvoir violent, sans égards pour les lois, les libertés et la morale publiques.
Oui, notre compatriote Mboulou Beka a été assassiné par le pouvoir, parce que celui-ci s’est abusivement servi de la force publique pour empêcher la manifestation de la liberté d’expression et de la liberté de réunion. Ainsi qu’il est désormais et clairement établi, la force publique a été utilisée ce 20 décembre 2014 contre le citoyen Mboulou Beka et pour empêcher l’exercice de son droit constitutionnel dans l’espace public.
Mboulou Beka a été assassiné par le pouvoir parce qu’il avait entrepris de venir, ce 20 décembre 2014 dire avec des milliers de Gabonais qu’Ali Bongo Ondimba doit quitter le pouvoir.
Mboulou Beka a été assassiné parce que le pouvoir avait décidé de tuer pour l’exemple dans le but de semer la peur dans le pays.
Mboulou Beka a été assassiné pour décourager d’autres Gabonais à venir sur la place publique manifester leur désir de voir Ali Bongo Ondimba quitter le pouvoir.
La lecture de la presse pro-gouvernementale avant et après ces évènements, les propos des tenants de la prétendue majorité comme le mode opératoire des forces de défense et de sécurité confirment que les intentions du pouvoir étaient sans ambiguïté ce 20 décembre 2014.
A ce compatriote s’ajoutent d’autres victimes dont les corps n’ont pas été  retrouvés. De nombreux témoignages établissent sans ambiguïté leur survenance. J’insiste aussi sur le cas des disparus, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas regagné leur domicile après la manifestation et dont les familles n’ont aucune nouvelle. Enfin, il y a les prisonniers faits à cette occasion dont le nombre, minoré à dessein, ne cesse de s’accroître de l’aveu même des forces de répression.
Par rapport à ces événements du 20 décembre, le Front réitère sa demande d’une Commission d’enquête internationale pour faire toute la lumière sur les conséquences du déchaînement de violence contre des manifestants aux mains nues. Il exige aussi la libération des prisonniers politiques ainsi que la cessation de la parodie de justice à laquelle ils sont soumis.
Le blocage de la situation politique de notre pays résulte aussi de la négation des libertés publiques, d’une curieuse conception de l’ordre public, de la corruption de la justice et des institutions qui en ont la charge.
 
Mes chers compatriotes

Dès le 14 octobre 2009, réagissant à la décision de la Cour Constitutionnelle relative au contentieux de l’élection présidentielle, l’ensemble des Partis politiques de l’opposition et des candidats à cette élection s’adressaient à la communauté nationale et au Monde entier en ces termes : "… les décisions de la Cour constitutionnelle achèvent le scénario d'un passage en force organisé envers et contre tout par des esprits plus préoccupés par les intérêts particuliers que par la consolidation de notre démocratie et la recherche de l'intérêt général…

 … Sur l'éligibilité du candidat Ali Bongo Ondimba, la Cour, en refusant de traiter au fond cette question a renforcé les forts soupçons qui planent sur la réelle capacité de celui-ci à être candidat à une élection présidentielle dans notre pays. Les informations contradictoires sur sa naissance auraient exigé de la Cour qu'elle enquêtât pour faire la lumière sur ce problème très important et essentiel…".

Ainsi, conformément à l’article 10 alinéa 3 de la Constitution qui empêche toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise d’être candidat à la présidence de la République, l’Opposition gabonaise a posé la question de l’éligibilité d’Ali Bongo Ondimba dès 2009. Cette question a été soulevée par Luc Bengono Nsi d’abord devant la Cour Constitutionnelle, puis devant le Tribunal de première instance de Libreville. Dans les deux cas, la justice a refusé de dire le droit.
Malgré ce déni de justice, Luc Bengono Nsi et les autres membres du Front ont tout dernièrement saisi cette fois le tribunal civil afin qu’il se prononce en droit sur ce grossier faux acte d’état civil. Cette fois encore, le Procureur de la République a asservi la justice aux intérêts d’Ali Bongo Ondimba. Monsieur Moukagni-Iwangou a pour sa part saisi la Haute Cour de Justice. A ce jour, il n’a reçu aucune réponse.
Pour toute réaction à la situation actuelle du pays, l’honorable Guy Nzouba Ndama a déposé une proposition de loi dont le but est de sanctionner la xénophobie, le racisme et le tribalisme qui sont, à ses yeux, les principaux fléaux du Gabon. Là encore, c’est l’Assemblée Nationale qui se trouve, une nouvelle fois, instrumentalisée pour servir les seuls intérêts du Clan d’Ali Bongo Ondimba. Le peuple gabonais attend la réaction de l’Assemblée Nationale en rejetant cette proposition de loi inique.

Le Front ne se laisse pas distraire par ce type de manœuvre. Il met au défi Ali Bongo Ondimba de faire toute la lumière sur son état civil, pour mettre un terme à cette situation surréaliste.

 
Mes chers compatriotes,
La situation politique est bloquée par la mal gouvernance dans la gestion des finances publiques notamment par les détournements massifs des deniers publics.
De 2010 à 2014, le Gabon a disposé de plus de ressources budgétaires qu’il n’en a eu auparavant. Cette situation particulièrement favorable s’explique par la croissance naturelle de  notre économie et le niveau exceptionnellement élevé des cours du pétrole.
Ainsi, de 2000 à 2008, soit 9 ans, les ressources propres cumulées du budget de l’Etat s’élèvent à 11.345 milliards de Fcfa, soit en moyenne 1.261 milliards de Fcfa par an. De 2010 à 2014, les ressources propres cumulées du Budget de l’Etat sont, quant à elles, de 11.908 milliards de Fcfa, soit en moyenne 2.382 milliards de Fcfa par an. Ainsi donc, au cours des cinq dernières années, l’Etat a disposé de deux fois plus de ressources propres qu’au cours de la décennie qui avait précédé.
Dans le même temps, de 2010 à 2014, le Gabon a été endetté de plus de 443 milliards de Fcfa en moyenne par an. L’encours de la dette publique est passé de 15% du Produit intérieur brut au 31 décembre 2008 à  plus de 32% du Produit intérieur brut au 30 septembre 2014. Ainsi donc, l’endettement du Gabon a été multiplié par 2 en 5 ans. Où sont donc passés les 11.908 milliards de Fcfa de ressources propres et les 2.218 milliards de Fcfa de ressources d’emprunt ?
Au-delà des dépenses somptuaires et ostentatoires d’Ali Bongo Ondimba et de son clan, il apparaît  ainsi clairement qu’il a orchestré le détournement en masse des ressources financières du Gabon depuis 2009.
 
Mes chers compatriotes,

La situation est aussi bloquée au plan social. L’absence de parole et le mépris des travailleurs sont ses seuls instruments de dialogue social. Des grèves incessantes qui  paralysent les services publics et des pans entiers du secteur privé constituent les seuls moyens pour les travailleurs de faire valoir leurs droits et l’amélioration de leurs conditions de travail. A ce jour, les universités sont fermées et gardée par les forces de sécurité. L’Administration publique est bloquée depuis plusieurs mois et la grève a fini par gagner tous les secteurs.
Le pouvoir, qui n’a exprimé que mépris et n’a su répondre que par la violence aux citoyens qui réclamaient l’amélioration des conditions d’exercice de leurs activités professionnelles, n’est plus crédible. Les négociations succèdent aux protocoles d’accord sans aucune évolution.
*          *
Mes chers compatriotes,
Le départ d’Ali Bongo Ondimba est la condition nécessaire au redressement de notre pays. En plus de s’être frauduleusement imposé au pouvoir, il a fini de nous convaincre qu’il représente un danger pour notre pays et son avenir.
Personne ne veut vivre dans une société où la règle de droit cède la place à la loi du plus fort, où la vertu cède la place à la corruption. Ce n’est pas de la démocratie. Ce n’est pas la République. C’est de la tyrannie et du despotisme, même si de temps en temps on y sème une élection truquée. Il est temps que ce style de gouvernance disparaisse.
A ce propos, nous entendons de nombreuses voix s’élever au Gabon comme à l’étranger pour inviter la classe politique et le corps social à un dialogue national qui éviterait à notre pays de tomber dans le chaos, tant la crise politique, économique et sociale dans laquelle il se trouve est grave. Nous avons lu ou entendu les déclarations des responsables politiques se réclamant de la majorité comme de l’opposition. Nous avons également lu les déclarations des missions diplomatiques et du représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Afrique centrale. Enfin, nous avons été sensibles aux fortes inquiétudes exprimées par les amis du Gabon à l’étranger, notamment plusieurs partis politiques Français.
Le Front tient à remercier tous les auteurs de ces manifestations d’intérêt pour la situation du Gabon. Il rappelle que c’est Ali Bongo Ondimba qui s’est opposé à une telle occasion en utilisant les moyens que son pouvoir usurpé lui avait octroyé pour bâillonner l’Opposition pour l’exclure du débat public ou pour en limiter l’influence. Le Front estime que toute solution de sortie de crise doit désormais tenir compte des révélations renforcées qui frappent le statut d’Ali Bongo Ondimba et sa présence au pouvoir d’illégalité. Ce statut est désormais non conforme à l’article 10 de la Constitution. En effet, dans quel pays sérieux peut-on accepter à sa tête un dirigeant qui, comme un magicien exhibe des pièces d’état civil aussi fausses les unes que les autres ?
Notre objectif politique est le développement du Gabon au service de chaque Gabonaise et de chaque Gabonais. Sur ce point, l’histoire prononce un verdict clair : les gouvernements qui respectent la volonté de leurs peuples, qui gouvernent par le consentement et non par la coercition, sont plus prospères, plus stables et plus florissants que ceux qui ne le font pas. «Ce qui est fait en notre nom et sans nous est contre nous» disait Nelson Mandela. Le Gabon notre pays ne se développera jamais par la volonté d’un dictateur qui voudra le bien des Gabonais envers et contre leur volonté.
D’ores et déjà nous invitons le peuple gabonais, les leaders d’opinion, les syndicats, les organisations de la société civile, les confessions religieuses et toutes les autres forces vives de la nation à la mobilisation pour mettre un terme à cette situation honteuse pour notre pays et inadmissible pour chacun de nous.
Bonne et heureuse année 2015
Vive le Gabon.

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